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15 octobre 2021
Business Law

De nouvelles exigences corporatives pour votre entreprise québécoise

Par Me Chloé Girard et Me Maude Fréchette

En juin 2019, nous avons publié un article qui vous informait de l’obligation pour les sociétés fédérales de tenir un nouveau registre à conserver au livre de minutes de la société visant à répertorier les particuliers ayant un contrôle important de ladite société. Cette démarche s’inscrivait dans un but d’améliorer la transparence des entreprises et à contribuer par le fait même aux actions de prévention et de lutte contre l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et la corruption. 

Voilà que le gouvernement québécois emboîte le pas du gouvernement fédéral en sanctionnant le projet de loi 78, lequel vient modifier la Loi sur la publicité légale des entreprises (la « Loi ») et son règlement.  

Selon les dernières publications du Registraire des entreprises du Québec (le « REQ ») à l’égard de la Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises, les nouvelles obligations décrites ci-dessous devraient entrer en vigueur d’ici le mois d’octobre 2022. La date exacte reste à être déterminée par le gouvernement. Le REQ promet d’ailleurs un accompagnement soutenu des assujettis vers ces nouvelles mesures.   

Quelle est la nature de ces changements ?  

Concrètement, les changements auront pour effet d’obliger les entités juridiques devant s’immatriculer au REQ à déclarer certaines informations relativement aux bénéficiaires ultimes de l’entité en question.   

Qui est visé par ces changements?  

Il s’agit de tous les assujettis étant définis par la loi comme étant : « une personne ou un groupement de personnes qui est immatriculé volontairement ou toute personne, fiducie ou société de personnes qui est tenue de l’être ». Par exemple, les sociétés par actions, les sociétés de personnes, les entreprises individuelles, de même que les sociétés étrangères qui font affaire au Québec.   

Certaines entreprises sont exemptées de cette nouvelle obligation dont les personnes morales de droit privé à but non lucratif, les banques et les associations au sens du Code civil du Québec1. 

Qu’est-ce qu’un bénéficiaire ultime?  

Le concept global de « bénéficiaire ultime » fait référence à la personne physique ou dans certains cas la personne morale2 qui exerce le contrôle effectif d’une entité juridique donnée.  

Ainsi, la notion de contrôle peut être déterminée selon deux approches, le contrôle de jure (de droit) ou de facto (de fait). Le contrôle peut être reconnu selon les principes énoncés dans la Loi notamment dans les cas où la personne physique :   

  • est détentrice ou bénéficiaire de 25% ou plus, en vote ou en valeur (juste valeur marchande des actions émises) des actions/de parts/d’unités3; ou 
  • a une influence directe ou indirecte telle que, si elle était exercée, il en résulterait un contrôle de fait de l’assujetti4. Il faut ici analyser tous les documents et contrats susceptibles d’octroyer un pouvoir important à une personne physique de sorte qu’elle détiendrait le contrôle de l’entité juridique (dont la convention entre actionnaires ou d’indivision par exemple).  

Pour certaines formes d’entités juridiques, la loi apporte des précisions intéressantes. En effet, dans le cas d’une société en commandite, le bénéficiaire ultime est en réalité la personne physique qui est le commandité ou si le commandité est une personne morale, la personne physique qui exerce un contrôle (défini ci-dessus) sur le commandité. Pour l’entreprise individuelle, la personne physique qui l’exploite est présumée être le bénéficiaire ultime à moins qu’il ne déclare le contraire. En outre, si la personne détenant le contrôle d’un assujetti est une fiducie, alors, le bénéficiaire ultime est le fiduciaire.    

Quelles informations devront être transmises au REQ?  

Les assujettis devront notamment divulguer les informations suivantes, qui seront publiques, à l’égard des personnes physiques considérées comme des bénéficiaires ultimes :  

  • Le nom;  
  • Le domicile : à noter que le domicile n’a pas à être l’adresse de résidence personnelle de la personne physique, mais peut être une adresse professionnelle5 ;  
  • Date de naissance (cette information ne sera pas publiée au REQ et ne sera donc pas publique6); 
  • Date à laquelle elle est devenue et/ou a cessé, selon le cas, d’être un bénéficiaire ultime; 
  • Le type de contrôle exercé par un bénéficiaire ultime (pourcentage d’actions, de parts ou d’unités détenues ou à son bénéfice).  

De plus, les assujettis devront fournir des pièces d’identité valides (par exemple: permis de conduire, passeport, etc.) pour chacun de leurs administrateurs dans un but d’améliorer la fiabilité des informations se trouvant au REQ, et ce, lors d’une déclaration ou d’une mise à jour des informations de l’assujetti auprès du REQ7 

Est-il possible de s’opposer à ces divulgations?  

Non. Les sanctions actuellement en vigueur prévues par la Loi s’appliquent à cette nouvelle obligation. Ainsi, le REQ pourrait sanctionner les entreprises récalcitrantes en leur imposant une radiation d’office8 ou des amendes pouvant varier entre 500$ et 25 000$9 

De la nouveauté à la base de recherche du REQ 

Il sera également possible d’effectuer une recherche sur la base de données du REQ en inscrivant le nom et prénom d’une personne physique. Les résultats permettront entre autres de déterminer si la personne est un actionnaire ou un bénéficiaire ultime exerçant un contrôle à l’égard d’une entreprise ayant des activités au Québec.  

Conclusion  

Bref, qui dit plus de transparence dit une divulgation des renseignements accrue. À cet effet, le REQ assure qu’il rendra l’information accessible au public en « limitant l’atteinte à la vie privée et en assurant la protection des renseignements personnels des personnes physiques 10». Il y a fort à parier que des questions surgiront et que des clarifications seront apportées par le REQ au fil du temps.  

Entre-temps, n’hésitez pas à nous contacter, il nous fera plaisir de répondre à vos questions!  

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