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11 juin 2020
COVID-19

La Loi sur la mise en quarantaine canadienne et ses conséquences pour les administrateurs et dirigeants à l’époque de la COVID-19

Écrit par Frédéric Letendre et Léa Psenak, avocats  

(Mis à jour le 1er septembre 2020) 

Lentement mais sûrement, plusieurs gouvernements assouplissement les mesures liées à la gestion de la COVID-19. Cependant, nous ne sommes pas encore sorti du bois. Les sociétés canadiennes, leurs filiales étrangères et les administrateurs et dirigeants de celles-ci doivent encore agir avec une grande prudence lorsqu’ils voyagent dans notre pays, en particulier lorsqu’ils ne sont pas résidents canadiens.  

Le 25 mars dernier, l’Agence de la santé publique du Canada (l’«ASPC») a publié un premier décret d’urgence, émis en vertu de l’article 58 de la Loi sur la mise en quarantaine, afin de minimiser le risque d’exposition à la COVID-19 au Canada. Plus récemment, le 28 août dernier, un quatrième décret d’urgence a été publié, remplaçant le deuxième et le troisième décret, dans le but de prolonger l’ensemble de ces mesures jusqu’au 30 septembre prochain[1].

Le décret règlemente l’entrée au Canada en prévoyant des règles à suivre par toute personne entrant au pays, incluant l’obligation de répondre à toute question posée par les agents de contrôle, l’obligation de porter un masque à son entrée au pays et durant son transport pour se rendre au lieu de quarantaine ou d’isolement, mais surtout, l’obligation pour tous les voyageurs de se mettre en quarantaine pour une période de 14 jours suivant leur date d’arrivée.  

La Loi sur la mise en quarantaine s’applique aux individus, mais également aux sociétés[2]. En effet, en vertu de cette Loi, les administrateurs, dirigeants, agents et mandataires d’une société sont responsables du respect des dispositions de la Loi sur la mise en quarantaine par tous leurs représentants. La Loi stipule en outre que ces personnes doivent être tenues personnellement responsables de toute infraction à la Loitel qu’indiqué à l’article 73. Ces personnes, ainsi que tout individu qui contrevient aux articles 58 ou 73 (c’est-à-dire à tout décret d’urgence publié en vertu de la Loi), sont passibles d’une amende maximale de 750 000$, d’une peine d’emprisonnement maximale de six mois, ou des deux.  

Par conséquentc’est un euphémisme de dire que le non-respect de ces décrets d’urgence pourrait avoir des effets désastreux sur les administrateurs et dirigeants, quel que soit leur pays de résidence. De nombreuses filiales sont gérées par des administrateurs et dirigeants résidant à l’étranger. Ces obligations ne sont pas limitées par leur lieu de résidence, car celui-ci n’est pas susceptible de servir de moyen de défense, ni de facteur atténuant lorsque des amendes ou des peines d’emprisonnement sont envisagées. L’obligation prévue à la Loi est une obligation active, puisqu’il existe une présomption de culpabilité à l’égard des administrateurs et dirigeants d’une société lorsqu’une infraction est commise par un employé, un agent ou un mandataire de celle-ci. La seule façon de réfuter cette présomption est de démontrer, de manière convaincante, que l’employé, l’agent ou le mandataire, a commis l’infraction à son insu et qu’il a fait preuve de toute la diligence nécessaire pour en empêcher la commission. Dans le cas où les administrateurs et dirigeants résident à l’étranger, la première partie de la présomption sera probablement plus facile à réfuter, mais il restera difficile d’apporter des preuves convaincantes qu’une diligence raisonnable a été exercée.  

La Loi ne fournit aucune directive sur la manière de se conformer à cette obligation. Dans le contexte sans précédent qu’apporte la COVID-19 et au regard des décrets d’urgence émis en vertu de la Loi, comment les administrateurs et dirigeants peuvent respecter leurs obligations? Conséquemment, nous insistons pour que les administrateurs et dirigeants mettent en œuvre des politiques détaillées et complètes pour s’assurer que la société et ses employés respectent les nouvelles obligations. Voici une liste non-exhaustive de certaines mesures qui devraient, à notre avis, être intégrées dans une telle politique :  

  1. Informez vos employés sur la situation de la COVID-19 et sur leurs obligations, et les vôtres. Sensibilisez-les sur les conséquences dommageables du non-respect de la Loi sur la mise en quarantaine et les décrets d’urgence adoptés en vertu de celle-ci. Des canaux de communication fiables dédiés à la COVID-19 doivent être établis, afin que chacun puisse partager les informations les plus récentes et les plus pertinentes. 
  2. Suspendez tous les déplacements inutiles. Limitez également, dans la mesure du possible, les activités en personne. Privilégiez le télétravail, les appels téléphoniques avec les clients et les réunions par vidéoconférence. 
  3. Si vos employés reviennent de l’étranger, ne leur permettez pas d’entrer sur le lieu de travail. Faites preuve de flexibilité et adaptez-vous en laissant vos employés travailler de la maison. Si ce n’est pas possible, veillez à les compenser monétairement pendant leur période de quarantaine. 
  4. Soutenez vos employés qui sont en quarantaine. Vous pouvez le faire en leur apportant des fournitures et du matériel de travail (s’ils peuvent travailler à domicile), en leur fournissant de la nourriture, des médicaments, du savon, du gel désinfectant et d’autres produits de première nécessité. 
  5. Surveillez la santé de vos employés. Signalez toute apparition de symptômes aux responsables locaux de la santé publique.
  6. Signalez aux autorités locales toute violation à la Loi sur la quarantaine par un collègue ou un employé en quarantaine ou en isolement. Cela inclut les travailleurs qui ne respectent pas la période de quarantaine obligatoire. Il est suggéré que les employés bénéficient d’une forme de protection des dénonciateurs lorsqu’ils signalent une violation de la Loi par un de leurs collègues.  
  1. Restez informésVeillez à vous conformer, en tout temps, aux lois fédérales et provinciales/territoriales applicables en matière d’emploi et de santé et sécurité.  

De plus, au Québec, la CNESST (Commission de la santé et sécurité au travail) publie et met à jour, de façon régulière, des lignes directrices et des outils pour aider les employeurs à « garantir que les activités puissent reprendre ou continuer dans les conditions les plus sûres et les plus saines possible dans le contexte de la COVID19 »[3]. Une visite de leur site web pourrait constituer un bon début.  

En conclusion, les sociétés ainsi que leurs administrateurs et dirigeants qui font des affaires à l’étranger, qui gèrent des employés mobiles ou qui sont habitués de recevoir des clients et partenaires étrangers au Canada devront, plus que jamais, agir avec prudence et diligence. Les conséquences de ne pas le faire peuvent être graves et même extrêmes, en premier lieu, pour les vies qui pourraient être mises en danger, et en second lieu, pour les administrateurs et dirigeants qui pourraient être condamnés à une amende et ou à une peine d’emprisonnement. Comme mentionné précédemment, cela s’applique également aux administrateurs et dirigeants de sociétés canadiennes qui résident à l’étranger.  

 

[1] https://decrets.canada.ca/attachment.php?attach=39477&lang=fr

[2] Par souci de simplicité, nous utilisons le terme «société» pour désigner toute société canadienne, provinciale ou étrangère appartenant à des résidents canadiens ou à des étrangers, y compris les filiales basées au Canada. 

[3] https://www.cnesst.gouv.qc.ca/salle-de-presse/covid-19/Pages/trousse.aspx

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